Certains commerçants le font déjà, mais c'est illégal : une proposition de loi vise à autoriser l’affichage des photos des voleurs.
La mesure a-t-elle des chances de se concrétiser ?
TF1 a recueilli les arguments pour et contre.

"Si c’était à refaire, je le referais." Jenny Bessaou, gérante d’un magasin de vêtements à Forbach (Moselle), l’assume face à la caméra de TF1, dans le reportage du JT ci-dessus. Il y a un an et demi, une femme avait volé quatre doudounes dans son magasin. Choquée, mais sans hésiter une seconde, elle avait alors diffusé sur Facebook une photo de la voleuse, capturée par une caméra de vidéosurveillance. "C’était mon seul espoir de retrouver cette personne et, grâce à ça, on l’a retrouvée, enfonce-t-elle. Ça a aidé la police et ça dissuade les voleurs." Mais c’est illégal.

En effet, au regard de l'article 226-1 du Code pénal, "fixer, enregistrer ou transmettre, sans le consentement de celle-ci, l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé", quand bien même celle-ci aurait commis un vol, constitue un délit, passible d'un an d'emprisonnement et de 45.000 euros d'amende. Alors le député de la 2ᵉ circonscription de l’Ain, Romain Daubié (MoDem), juriste de métier, a déposé, le 24 janvier, une proposition de loi visant à autoriser cette pratique.

Le nombre de vols à l’étalage a bondi de 15% entre 2021 et 2022, ce qui représente environ 42.000 délits, observés surtout dans des petits commerces. L’année dernière, une nouvelle amende forfaitaire de 300 euros a été instaurée pour les voleurs pris en flagrant délit. A priori sans effet. "On en arrive à publier les photos parce qu'on se sent démunis. Je dépose plainte à chaque fois, mais ça n'aboutit pas. On n'a jamais de retour, on ne sait pas ce qu'il en est", arguait, en août auprès de TF1, un autre commerçant de Forbach. Une goutte d'eau dans un océan de témoignages du même ordre, partout en France.

C’est à ce désespoir qu’ambitionne de répondre la proposition de loi. "Je ne vois pas ça comme une vendetta personnelle ou une justice privée, c’est une manière de favoriser le travail des forces de l’ordre, insiste son auteur. Il s’agit d’un outil collaboratif, à travers les réseaux sociaux, pour aider à identifier la personne et transmettre l’information aux enquêteurs."

Problème : "Cette pratique touche à deux droits fondamentaux, qui sont la vie privée et la présomption d’innocence, pointe Me Delphine Meillet, avocate au Barreau de Paris. Donc cela créerait une vraie difficulté pour les magistrats qui se retrouveraient face à ces dossiers." Dit autrement : cette mesure, constituant en soi une infraction au droit à l'image, voire aux droits et libertés des personnes, pourrait ne pas s’inscrire dans le droit pénal français.

Dans le détail, le projet de loi veut, en l’occurrence, que soit appliquée une présomption de consentement à être affiché, en conséquence de quoi toute personne entrant, avec l’intention de voler, dans un magasin doté d’un système de vidéosurveillance, serait alors légalement considérée comme prévenue de la possibilité de diffusion de son image. Si d’aventure le texte était voté, ce serait sans doute au Conseil constitutionnel de trancher. À ce jour, selon Le Parisien, la proposition de loi n’a pas encore été inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.


Hamza HIZZIR | Reportage TF1 Antoine Bourdarias, Guillaume Gruber, Vincent Ruckly

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